Compter le carbone…
Compter le carbone …
Adolescente, je me souviens encore de certains dimanches passés à réviser des interros de physique-chimie, avec, si j’en crois mon entourage du moment, des conséquences indéniables sur mon humeur organique … J’ai bien longtemps pesté sur cet incontournable de l’époque, la Terminale C, ce prétendu Graal vers une vie meilleure, au risque d’ennuyer ferme et ce pour de longues heures les bons élèves à la fibre bien plus littéraire que scientifique.
Je suis bien forcée d’admettre aujourd’hui qu’il s’avère plus qu’utile d’avoir affronté, ce de façon répétée, le tableau périodique et les unités énergétiques …
Surprise de la vie, on n’en finit pas de grandir ! 😉
Compter du carbone … ou des euros ?
Compter le carbone … Voilà une nouvelle activité bien surprenante pour nous chefs d’entreprise. A l’heure du bilan, celui qui revient tous les ans, c’est d’habitude les euros que nous comptons. Nous n’attendons pas ce bilan pour manipuler ces euros, et nombre d’entre nous ont Excel et ses tableaux de bord pour compagnons de soirée, ces moments hors du temps et de l’opérationnel où nous pouvons jouer avec nos prévisions et affiner la direction de notre activité. Le bilan annuel cependant, est bien un rituel marquant qui nous renvoie à nos responsabilités juridiques et financières, le moment clé de l’année où ces tensions liées à notre rôle se cristallisent, dans un sens … ou dans un autre.
Coupable ?
Peu étonnant, dès lors, que l’exercice du bilan, tant bien même soit-il carbone, puisse susciter certaines appréhensions, en particulier chez les dirigeants de PME et TPE.
Derrière la notion de bilan, se tapit directement celle de responsabilité, et toute la question pourrait bien être de trouver le coupable, dans une logique d’opposition bon / méchant ou autrement dit public / privé dont notre pays a encore un peu de mal à faire le deuil – et dont les chefs d’entreprise sont aux premières loges pour en mesurer les effets délétères.
A cela s’ajoute une frange de l’écologie dont le libéralisme n’est que peu perceptible, pour ne pas dire qu’elle tombe radicalement dans un dogmatisme réactionnaire.
Le cocktail a tout pour être explosif et faire fuir nos petites entreprises en prenant leurs jambes à leur cou … ou tout du moins en se prenant les pieds dans les affres de la comptabilité des gaz à effet de serre. Pour les plus résistantes d’entre elles, encore sur pieds, l’issue de secours peut se trouver alors dans des pratiques à la marge, entre réduction drastique du périmètre du bilan ou compensation carbone en vue d’afficher une neutralité communicante, peu atteignable pourtant à l’échelle d’une petite organisation.
Une question de focale
Toute la problématique est celle de la focale – l’optique, ma matière préférée de terminale C …
Quel éclairage allons-nous porter sur le bilan carbone, ou plus exactement le bilan gaz à effet de serre – puisqu’au dioxyde de carbone se rajoutent la vapeur d’eau, le méthane ou encore le protoxyde d’azote ou l’hexafluorure de soufre qui est un halocarbure (très utile dans les dîners quand vous voulez changer de sujet après Kant, Spinoza ou Kierkegaard).
Quelle est la finalité du bilan carbone (si ça ne vous dérange pas, je vous propose que nous restions sur cette appellation grand public car sans Wikipédia je suis incapable de mémoriser l’orthographe de nos fameux halocarbures, tout comme celui de Kierkegaard d’ailleurs 😉) ?
C’est là à mon sens la question essentielle.
Un bilan qui n’en est pas un ?
Peut-être finalement y’aurait-il un travail de sémiologie diraient les chercheurs, de « wording » les communicants, afin de faire évoluer ce terme de bilan.
Dans les faits, le bilan carbone est en effet radicalement différent du bilan comptable. D’abord, parce qu’il est admis qu’un « bon » bilan carbone peut compter entre 10 et 20% de marge d’erreur – je pense que mon expert-comptable et mon banquer s’étoufferaient littéralement en entendant ça.
Et d’autre part, car l’horizon de finalité est également autre. Il y a un exemple que j’aime beaucoup dans la formation bilan carbone et qui est particulièrement pertinent après cette année de Covid-19.
Cet exemple est celui des plateaux-repas à destination des avions. La question qui se pose est de savoir si, dans les émissions aval (celles générées par l’usage du produit), il faut prendre en compte la consommation de carburant des avions dans lesquels sont transportés les plateaux repas.
La réponse étant oui, il y a de quoi déclencher une crise cardiaque si l’on se contente d’une lecture culpabilisante du résultat !
La « responsabilité » écologique, une activité avant tout stratégique
Ceci étant dit, si l’on pense à l’année qu’a dû passer Servair, l’infarctus n’est peut-être pas loin …
Le bilan carbone nous apporte ainsi une donnée précieuse d’analyse.
Son objectif n’est pas de nous culpabiliser d’émettre du carbone ou de la vapeur d’eau (ou de l’hexafluorure de soufre …) mais bien de nous alerter sur le niveau de dépendance de nos activités au carbone, ce dans un monde où la transition bas carbone est en marche (sans mauvais jeu de mot).
Une boussole plus qu’un fouet
C’est une boussole plus qu’un fouet, et il doit être utilisé comme tel par les chefs d’entreprise, méritant sa juste place entre Porter, Pestel et le SWOT.
Le bilan carbone correspond à ma vision éthique de ce qu’est la responsabilité individuelle mais aussi entrepreneuriale : non pas une vision judéo-chrétienne culpabilisante teintée de communisme (je raccourcis un peu je sais, petite pensée émue pour les historiens spécialistes de l’idéologie), mais une vision stratégique, positive et constructive.
Le chef d’entreprise est celui qui est responsable du pilotage de l’activité, et pour cela l’ouverture constante au macro-environnement est indispensable.
Force est de constater que le bilan carbone va désormais faire partie de notre environnement, dans tous les sens du terme !
- Strategy & GreenEconomy Director Groupe PSB
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Director of Strategy and #GreenEconomy at Groupe PSB, trainer in marketing strategy, I have also been managing two organic stores for 13 years. The environment and CSR are second nature to me. I work in particular with the “ACT Pas-à-Pas” method by ADEME which will allow you to translate your strategy into an operational and effective action plan, associating the objectives of reducing the carbon footprint with the digitization of your company, a brand image adapted to the expectations of current consumers and renewed economic performance. I am also familiar with Bilan Carbone methodologies.
In my career, I have had the chance to work for large groups but also for innovative SMEs, and I quickly adapt to your organizational context to support you throughout our joint projects. A key word: anticipate.
I was trained in the fundamentals of communication and marketing through my career at CELSA and I have a PhD in socio-economic logics of communication.
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Compter le carbone … Voilà une nouvelle activité bien surprenante pour nous chefs d’entreprise. A l’heure du bilan, celui qui revient tous les ans, c’est d’habitude les euros que nous comptons.