KPI ou « On peut discuter de tout, mais pas sans chiffres » ?
KPI ou « On peut discuter de tout, mais pas sans chiffres »?
J’ai la chance (en tout cas je le vis comme tel) de vivre dans un petit village limitrophe de la région Ile de France qui est assez représentatif des alliages néo-ruraux des années actuelles.
Dans mes voisins, je compte ainsi un précieux couple d’amis, elle, fille d’éleveurs bovins, ayant grandi dans la ferme de ses parents, et qui passe son temps à essayer de me mettre entre les mains toute une série d’animaux, chien, cheval, oie, pogona, avec lesquels je suis définitivement nulle et peu à l’aise, certainement la seule de mes amis qui discute de l’état des clôtures que nous croisons lorsque nous marchons. Lui, ingénieur informaticien dans une grosse boîte parisienne, qui est ravi de voir mon fils en soirée car ils peuvent échanger sur des sujets absolument passionnants comme l’overclocking des barrettes de ram.
Cela donne des dimanches assez enrichissants où, après avoir promené les bébêtes dans la campagne (ce qui n’est pas sans me rappeler quelques années en arrière, quand c’était mes enfants que je trimballais à travers champs), la discussion, de retour autour d’un thé, dérive sur les pratiques managériales des grosses boites, dont font partie les KPI. Moi qui aime les changements d’ambiance, je suis servie !
Les KPI, Key Performance Indicators ou ICP, Indicateurs Clés de Performance
Les KPI, Key Performance Indicators, existent aussi en français. Ce sont alors les ICP, Indicateurs Clés de Performance, beaucoup moins classes dans le registre lexical des consultants que nous sommes, mais tout aussi utiles.
Derrière ce précieux acronyme, se cache toute la série des mesures que nous effectuons en entreprise pour cadrer notre action et avec lesquels je traumatise mes étudiants et mes salariés, les taux d’évolution, taux de transformation, taux de contribution, taux de réalisation, taux de fidélisation et autres taux d’attrition – je pourrais continuer longtemps.
Dans le champ du conseil en transition, c’est bien sûr le bilan GES qui fait foi, et je vous invite d’ailleurs, pour ceux qui n’en auraient pas encore eu l’occasion, à lire mon « excellent » article sur le sujet ici.
Pourquoi est-il utile de structurer l’action en partant de KPI ?
J’ai le souvenir d’un très bon article de la revue Sociologie du Travail qui expliquait comment, dans les professions de la réalisation de sites Web, le recours aux soi-disant desideratas du client servait à arbitrer les conflits de représentation du métier entre concepteurs éditoriaux, informaticiens et graphistes.
Dans l’une des activités qui est la mienne, à savoir la gérance d’un point de vente, on retrouve fréquemment aussi cet arbitrage arbitraire sur la base d’un verbatim client et, comme dans tout métier complexe et polyvalent, un même questionnement peut entraîner différentes réponses selon l’angle de vue que l’on retient.
Il est donc important d’essayer de rationaliser le débat en produisant un certain nombre de données chiffrées qui vont permettre d’alimenter le débat et de synchroniser autour d’objectifs partagés des acteurs d’horizons différents.
Faut-il en conclure que « l’on peut discuter de tout sauf des chiffres » ?
J’aime cette phrase pour son invitation symbolique à la discussion … L’équivalent du . en fin de SMS, car si vous avez des ados qui vivent sous votre toit, vous n’ignorez pas que mettre un point à la fin d’un SMS est une fin de non-recevoir qui peut blesser à vie le destinataire du SMS, si si …
Dans mes autres souvenirs, il y a aussi l’un des tous premiers cours de socio de prépa hypokhâgne qui portait justement sur la mise en scène des chiffres, j’ai malheureusement oublié les détails mais bien retenu que, les chiffres, comme toute activité humaine, sont soumis à une rationalité limitée et qu’il est de toute façon intéressant d’interroger les conditions socio-économiques de production de ces chiffres – même s’ils s’avèrent être d’incontournables points de départ des décisions.
De ce dimanche bébêtes et KPI, de ces réflexions sur la notion de rationalité mathématique, mais aussi des mois que je viens de traverser à accompagner les PME engagées dans la transition, j’en tire ainsi deux conclusions majeures. Au risque de me fâcher définitivement avec la gauche, je pense que le gouvernement actuel non seulement a bien raison de s’inspirer des pratiques managériales des entreprises (pour moi management n’est pas un « gros mot », c’est juste une discipline faisant partie de la sphère des sciences de gestion des organisations), mais que l’on pourrait même encore s’en inspirer davantage.
De mon point de vue, les imperfections actuelles de l’action publique sont bien plus liées à un manque de processus gestionnaire, qu’à un excès.
Dans le champ de la politique encore plus qu’ailleurs, les idéologies sont à l’œuvre et donnent lieu à des débats de posture qui vont bien plus loin que nos oppositions en termes de représentations sociales au travail. Si je prends l’exemple du bio que je connais bien, le débat a fortement tendance à se structure dans deux camps, les résolument « pour » qui militent pour son développement sans se soucier des conditions de mise en place, et les résolument « contre » qui ont développé une batterie d’arguments tout aussi intelligents les uns que les autres. Cela finit cependant par produire des effets délétères qui ne sont pas sans lien avec les difficultés que traverse le secteur en ce moment, et il est donc urgent de poser le problème autrement. Il en va de même dans le champ de la transition écologique, et la campagne est le théâtre d’un intéressant débat d’une complexité dialectique indéniable, opposant les tenants d’un bilan quinquennal « exceptionnel » en termes de transition à ceux qui dénoncent le « quinquennat pour rien ». Là aussi, il est temps de dépasser les clivages pour structurer l’action autrement, en partant de la réalité des acteurs et de nos fameux KPI, bilan GES mais aussi chiffres d’affaires, coûts, potentiel de croissance, etc. Un excellent article sur le sujet est à lire ici : Un bilan écologique du quinquennat | Terra Nova (tnova.fr)
« On peut discuter de tout, mais pas sans chiffre »
Par ailleurs, à la phrase « On peut discuter de tout sauf des chiffres », je substituerai volontiers la phrase « On peut discuter de tout mais pas sans chiffre ».
Et je rajouterai une référence à Desproges : « On peut discuter de tout mais pas sans chiffre, et pas avec tout le monde … » 😉.
Plus sérieusement, il apparait que la problématique de la transition écologique suscite de vraies interrogations en termes de conduite du changement. D’abord parce que, comme me l’a très justement fait remarquer un client opérant dans l’industrie du plastique, l’écologie est un sujet où circulent plein de fausses bonnes idées, et il est donc important d’accepter de remettre nos croyances au placard pour partir du terrain. Et d’autre part, l’année écoulée m’a confirmé que le sujet suscitait des peurs réelles chez les chefs d’entreprise (j’en prends pour preuve le nombre de soufflantes que j’ai dû endurées cette année 😉), ce que non seulement je comprends tout à fait, mais que je trouve aussi légitime car, comme c’est expliqué dans l’article cité plus haut, si les dispositifs financiers du plan de relance ont l’énorme mérite d’exister et sont fléchés vers la transition, ils sont encore largement insuffisants aux vues des problèmes qui se posent aux petites entreprises, notamment quand ces dernières ont des CAF dégradées par les crises successives et variées que nous vivons depuis 2008.
La bonne nouvelle est que nous avons de quoi nous occuper dans les années à venir pour traiter tous ces challenges – et du coup je ne sais plus par quel point finir pour laisser libre cours à la discussion …
Director of Strategy and #GreenEconomy at Groupe PSB, trainer in marketing strategy, I have also been managing two organic stores for 13 years. The environment and CSR are second nature to me. I work in particular with the “ACT Pas-à-Pas” method by ADEME which will allow you to translate your strategy into an operational and effective action plan, associating the objectives of reducing the carbon footprint with the digitization of your company, a brand image adapted to the expectations of current consumers and renewed economic performance. I am also familiar with Bilan Carbone methodologies. Compter le carbone … Voilà une nouvelle activité bien surprenante pour nous chefs d’entreprise. A l’heure du bilan, celui qui revient tous les ans, c’est d’habitude les euros que nous comptons.
In my career, I have had the chance to work for large groups but also for innovative SMEs, and I quickly adapt to your organizational context to support you throughout our joint projects. A key word: anticipate.
I was trained in the fundamentals of communication and marketing through my career at CELSA and I have a PhD in socio-economic logics of communication.