Le bon, le mauvais et le laid : La bioéthique juge les pratiques en matière de données médicales dans l’ère COVID-19
Le bon, le mauvais et le laid : La bioéthique juge les pratiques en matière de données médicales dans l'ère COVID-19
[original text in English]
La COVID-19 a créé un tsunami de données médicales qui doivent être gérées et protégées dans des référentiels sécurisés afin d’être intégrées et analysées de manière éthique.
Toutes les équipes de recherche sont engagées dans une course contre la montre pour trouver une solution dédiée à la situation COVID-19.
Evidemment de nombreuses questions éthiques et juridiques ont fait surface, ce qui a amplifié les problèmes de confidentialité des données ainsi que leur falsification et abus.
D’un autre côté, cette crise montre aussi l’engagement des autorités chargées de faire respecter la vie privée et développer des solutions pragmatiques et éthiques pour sécuriser les données sensibles de manière à ne pas entraver notre lutte contre la pandémie.
Néanmoins, cette situation soulève des questions importantes : Dans quelle mesure les droits d’accès aux données devraient-ils être exigés ? Qui est propriétaire des données médicales et génétiques ? Les pratiques en matière de données sont-elles accessible à tout le monde ? Qu’en est-il des biohackers ?
Dans cet article, je voudrais aborder ces questions et mettre en exergue les pratiques en matière de données médicales, à trois niveaux : le bon, le mauvais et le laid concernant la COVID-19.
Tout d’abord, je vais énumérer les pratiques éthiques optimistes et je soulignerai leur effet en tant que bon exemple pour les données pratiques.
Ensuite, je mentionnerai ouvertement l’un des exemples dangereux et mauvais de pratique en matière de données (par exemple, la fabrication de données) qui ont été récemment détectées par la communauté bioéthique.
Enfin, le côté laid sera abordé comme réponse aux pratiques des biohackers en matière de données.
Le bon côté : Garantir la confidentialité des données médicales
L’une des questions bioéthiques les plus urgentes dans la pandémie mondiale de COVID-19 est de savoir comment gérer le flux sans précédent de données médicales sensibles.
La sécurisation des données sensibles est cruciale et il n’est pas facile de trouver des techniques solides pour partager ces données en toute sécurité.
Les responsables politiques doivent partager les données afin d’élaborer des réglementations de santé et pour renforcer la coopération mondiale.
Les scientifiques doivent également disposer de droits d’accès afin de combiner leurs efforts pour réutiliser les médicaments existants.
En conséquence, des efforts récents ont été suggérés par différents pays pour tenter d’harmoniser la sécurité des données et le partage des données médicales.
Différents pays ont récemment proposé d’harmoniser la sécurité des données et le partage des données médicales par des voies sûres et rapides.
Cependant, certaines de ces propositions ont été rejetées pour protéger le droit à la vie privée.
Le comité de légalisation en France a rejeté la modification de la loi d’urgence pour autoriser les dossiers sur pour une période limitée (6 mois). De même, le commissaire fédéral à la vie privée fédéral de la vie privée en Allemagne a rejeté et fortement critiqué la proposition d’utiliser les données des télécommunications pour tracker les citoyens infectés, les localiser et récupérer leurs dossiers médicaux.
En revanche, le gouvernement allemand autorise le ministère de la santé à demander au patient de s’identifier et à l’informer de ses contacts et de ses voyages.
Les autorités chargées de faire respecter la vie privée dans de nombreux pays européens ont proposé des solutions pragmatiques pour gérer la suppression et la conservation des données.
En 2020, elles ont publié des orientations générales pour la gestion des données afin d’appliquer les lois sur la protection de la vie privée et des données en cas de crise. Ces orientations sont basées sur une stratégie pratique qui respecte les principes de protection des données médicales et de la vie privée d’une manière qui n’entrave pas les réponses essentielles à la COVID-19.
En outre, le Comité européen de la protection des données et le Conseil de l’Europe ont déclaré que ” le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et la Convention 108 n’entravent pas les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie, mais exigent que les restrictions d’urgence aux libertés soient proportionnées et limitées à la période d’urgence”.
Un rapport consacré aux applications de recherche de contacts a été publié par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) affirmant les droits de protection des données médicales.
Comme nous l’avons vu, ces déclarations ont confirmé que la protection et le partage des données médicales peuvent aller de pair. Elles garantissent également que tout enregistrement susceptible de porter atteinte à la protection des données doit être fondé sur la loi, et être nécessaire et proportionné.
Le mauvais côté : La fabrication et la falsification de données
Selon les statistiques, environ 1220 études sur le COVID-19 ont été enregistrées sur le site international d’enregistrement des essais cliniques, ClinicalTrials.gov, en mai 2020.
En juillet 2020, 19 articles publiés et 14 prépublications sur COVID-19 ont été soit rétractés soit retirés en raison de la falsification de données, de problèmes méthodologiques et d’inquiétudes concernant la vie privée des participants.
Sans aucune preuve ni données réelles pour étayer leurs déclarations, deux revues médicales d’élite ont rétracté des articles très médiatisés sur le COVID-19 en 2020 en raison de problèmes d’intégrité des données.
The Lancet et The New England Journal of Medicine (NEJM) ont rétracté deux articles après que la masse de données sur les patients sur laquelle ils s’appuyaient aient été mise en doute.
L’une de ces fameuses études n’a été mise en ligne que sous forme de pre-print (Elle n’est plus disponible). Elle décrivait l’ivermectine, un médicament antiparasitaire, comme ayant considérablement réduit
la mortalité chez les patients du COVID-19, ce qui a incité l’utilisation accrue et l’autorisation gouvernementale du médicament dans plusieurs pays d’Amérique latine.
Les auteurs ont utilisé les mêmes données dans une autre étude pour prétendre que la prise de certains médicaments pour la pression artérielle, y compris les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) n’augmentait pas le risque de décès chez les patients du COVID-19, comme certains chercheurs l’ont suggéré.
L’article du Lancet a été la goutte d’eau à faire déborder le vase après un examen minutieux de ces données, car il se concentrait sur la sécurité et l’efficacité de l’hydroxychloroquine pour le COVID-19, qui a soulevé un débat politique et scientifique, surtout après l’adhésion de Trump à ce médicament.
Une fois que cette étude ait été publiée, s’ensuivait une grande indignation internationale dans les communautés scientifiques. L’étude a été attaquée par des éthiciens médicaux et des experts en matière qui ont demandé comment une aussi importante masse de données aurait pu être collectées et analysées. Des dizaines de milliers de patients provenaient de centaines d’hôpitaux du monde entier.
Les bioéthiciens ont soulevé des questions sur la complexité de la gestion des accords de confidentialité des patients.
Leigh Turner, professeur associé au Centre de bioéthique de l’Université du Minnesota, décrit les rétractations de l’étude comme “troublantes et dérangeantes”. Et continue de dire
“Moins ils ont d’accès, plus les chances qu’il y ait des erreurs, la fabrication de données, ou une fraude pure et simple”.
Turner a déclaré qu’en publiant uniquement les déclarations de rétractation des auteurs, The Lancet et le NEJM “n’ont fait preuve d’aucune réflexion personnelle, d’aucune introspection. Ils auraient dû chercher à savoir ce qui a pu mal tourner dans leur processus éditorial”.
La fabrication et la falsification de données médicales sont à la fois contraires à l’éthique et dangereuses. Signaler ces informations trompeuses concernant la sécurité et l’efficacité des médicaments pourrait aggraver le problème et mettre la vie des gens en danger.
Ces mauvaises pratiques ne peuvent être arrêtées au niveau éditorial d’un périodique ou scientifique. Les biohackers sont impatients de tester ces faux résultats sur leur corps et vont jusquà s’injecter des médicaments et des vaccins Covid-19 faits maison.
Même des cours en ligne existent pour montrer comment recréer une telle falsification à la maison.
Le côté laid : Apparition de "bricolage de garage" pour la COVID-19
En partant des kits de tests COVID-19 à la production du vaccin COVID-19, les biohackers ont quitté le courant ordinaire de la science pour se tourner vers des expériences de bricolage à domicile.
En mai 2020, lorsque des chercheurs ont publié un article sur un vaccin à ADN qui augmenterait l’immunité protectrice contre la COVID-19, un des biohackers a vu une opportunité de recréer leur méthodologie.
Le biohacker qui avait travaillé auparavant pour la NASA a trouvé facile de recréer le vaccin en se basant sur les essais de recherche faites sur les singes. En octobre 2020, le biohacker a tweeté : “Notre vaccin ADN DIY COVID-19 a montré des anticorps neutralisants sur les trois sujets. C’était excitant, mais notre objectif était d’enseigner aux gens comment tester
l’expression dans les cellules humaines, et de réaliser des ELISAs &c. Et cela a également été un succès.”
Le professeur Henry Greely, éthicien biomédical de Stanford, a commenté et dit,
“S’il a respecté les précautions de biosécurité appropriées, je ne vois rien de mal à ces efforts de vouloir reproduire les travaux sur les macaques dans des cellules humaines vivantes. S’il y arrive, se serait une découverte scientifique quelque peu utile” et de continuer “Il est difficile pour moi de voir comment l’administration d’un vaccin à trois sujets pourrait produire une connaissance scientifique utile sauf si, dans le cas le plus malheureux, les sujets développent des
réactions graves. Mais même dans ce cas, ce n’est qu’une anecdote, un avertissement mais pas une preuve.”
Le professeur Patricia Zettler, un ancien avocat de la FDA a déclaré : “Tant qu’ils ne fournissent que des informations sur la façon de faire un vaccin bricolé, et non de distribuer le matériel nécessaire pour
le faire, les expériences de Zayner ne relèvent pas strictement de la compétence réglementaire de la Food and Drug Administration.
Cependant, la FDA a interdit les produits COVID-19 non prouvés et non autorisés, et ces efforts pourraient donc attirer l’attention de l’agence”.
Alors que les autorités sanitaires limitaient la recherche sur la COVID-19 aux laboratoires de biosécurité de haut niveau, le biohacker a donné un cours en ligne intitulé Do-It-Yourself : Du papier scientifique
au vaccin ADN COVID-19.
Il explique : “Je veux que les gens apprennent quelque chose de ce cours. Ce n’est plus cette grande boîte noire que sont la science, les essais cliniques et toutes ces choses”.
Un kit de test COVID-19 est un autre exemple qui a été préśenté comme le test le plus rapide et le moins cher pour la COVID-19.
Les créateurs du test sont des biohackers qui avaient l’intention de tester sur des cas positifs pour voir si ces cas positifs obtiennent le même résultat positif.
Ils ont déclaré : “Nous avons été contactés par certains hôpitaux et nous sommes contactés par certaines personnes au sein des équipes d’intervention qui devraient être en mesure de vérifier nos tests en les comparant avec les tests qui sont déjà en cours”.
Qui assure la confidentialité et la sécurité dans ce cas ? À ce jour, le test n’a été approuvé par aucune des autorités sanitaires, mais s’il est valide, il jouera un rôle dans la capacité de test.
Les pratiques de données du biohacking peuvent produire dans certains cas spécifiques de bonnes contributions, mais elles ne garantissent pas la sécurité et la confidentialité.
Il reste très dangereux de faire des expériences hautement sensibles et infectieuses à la maison. Cela peut aggraver la pandémie plutôt que de la contrôler.
Pour résoudre ce problème, certaines questions doivent être étudiées par la communauté éthique et juridique afin de trouver des solutions juridiques appropriées : comment traiter les biohackers de manière pragmatique et éthique ? Quelle est la limite entre l’innovation et le rejet des expériences à domicile ?
En conclusion, la bioéthique peut favoriser certaines bonnes pratiques en matière de données pour protéger que les données médicales et génétiques contre les abus .
Les règles éthiques doivent également être mises à jour de temps en temps en fonction de la pandémie et de sa précision médicale. Cela permettra de contribuera à protéger une population spécifique contre le danger du bioterrorisme et des attaques biologiques basées sur des données génétiques ou médicales personnalisées.
Nous ne pouvons pas modifier notre génome comme nous le faisons pour les mots de passe, mais heureusement nous avons la bioéthique !
- Doctoral researcher in Bioinformatics
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My name is Ahmed Hemedan, I am a doctoral researcher at the bioinformatics core unit, LCSB at Luxembourg University. The research of my work covers a broad spectrum of applications of data science, bioinformatics and systems biology in the
life sciences. This includes the integration and interpretation of large omics datasets to the Disease Maps aiming to translate them into novel medical insights.
Furthermore, I use the revolutionary advances in artificial intelligence to develop machine learning-based paradigms to solve critical problems in medical research.
This resulted in a range of publications in peer-reviewed open access journals. Additionally, I use and extend the principles of the General Data Protection Regulation (GDPR) to make the research outcomes more personalized and FAIR.
I am advocating ethical approaches with all its facets (data, publications, source code of research software, etc) and I am active in communities promoting and implementing this for example The Carpentries community.
As a certified carpenters instructor, I try to empower biological researchers and librarians by teaching coding skills to work more efficiently and effectively with data, information and knowledge.
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